ArgumentaireDepuis la célébration du bicentenaire de la Révolution et les contributions importantes apportées, entre autres, par le colloque de Clermont-Ferrand de 1997, le Directoire n’est plus le parent pauvre des études révolutionnaires. Il demeure toutefois moins travaillé par rapport aux autres séquences de la Révolution française. Pour contribuer à une meilleure connaissance du régime établi entre 1795 et 1799, et des acteurs et intervenants divers de cette période, de même que pour réactualiser les problématiques posées par la société directoriale, l’objectif de ce colloque est de réunir, dans un souci d'échanges pluridisciplinaires, des historiens de la Révolution française mais aussi plus largement des historiens de la littérature, de la philosophie et du droit. S'appuyant sur une diversité de questionnements, cette approche plurielle d’une époque singulière, enserrée entre la Terreur et l’avènement de Napoléon Bonaparte, est sans doute un des moyens de se dégager d’une analyse classique qui réduit par trop souvent le Directoire à une parenthèse historique marquée avant tout par la corruption des gouvernants et le délitement des mœurs. La chute de Robespierre et la fin de la Terreur en thermidor ont fait entrer la Révolution dans le règne de l’incertitude. La République renoue avec l’aléa démocratique même si l’idéal d’une démocratie fondée sur l’égalité s’est effondré. La Terreur avait été une solution politique radicale qui se donnait pour objectif d'unifier et d'assurer l’indivisibilité du peuple, du gouvernement et de l’administration, ce qui impliquait comme préalable l'unicité de la justice révolutionnaire, de la politique jacobine et de sa rhétorique. La rupture thermidorienne, qui exclut les Jacobins en même temps qu’elle réintègre les anciens Feuillants et Girondins, comme l’a montré Bronislaw Baczko, restaure une dynamique, qui était celle des assemblées constituante et législative, où l’Etat, la société, l’opinion publique et l’administration étaient livrés aux divisions inhérentes au jeu démocratique. Ce sont précisément ces dynamiques et tensions issues de la restauration des contre-pouvoirs, que sont la magistrature élue, l’administration locale, les groupes et partis politiques, la presse, la littérature, voire la religion, que ce colloque se propose d’étudier. Il s'agit de comprendre ainsi la complexité, la modernité, la rationalité – ou l’absence de rationalité –, du régime directorial. Est-on en présence d’un gouvernement représentatif empreint d’un proto-libéralisme politique ou bien d’un Etat révolutionnaire de fait continuant un républicanisme classique ? Indéniablement, le Directoire a un caractère hybride et composite, à la fois révolutionnaire et ordinaire, exceptionnel et constitutionnel, modéré ou violent dans les choix de ses moyens politiques. Est-il la suite d’excès dans la recherche de compromis ? Est-il simplement la conséquence d’un manque de volonté politique dans la confrontation avec la difficile question de la sortie de la Révolution ? Les hésitations du Directoire peuvent être vues aussi comme les signes d'une faiblesse inhérente à la genèse d'un système démocratique naissant. Elles peuvent être aussi considérées comme les manifestations de tensions que la règle démocratique accepte et nourrit par respect pour les libertés publiques. Pour répondre à ces questions, nous envisagerons plusieurs niveaux d'analyse :
Dans le même esprit, il est ambitionné d’axer la recherche sur le personnel politique thermidorien qui se perpétue au pouvoir dans les institutions directoriales. La figure du dirigeant thermidorien, largement marquée par l’expérience de la Terreur, est justement présentée par Pierre Serna comme la personnification de la girouette en politique, caractérisée par son opportunisme et son absence d’une conception idéologique de la Révolution, ce qui les distingue des Jacobins. Le thermidorien est-il, de ce point de vue, une forme de transfuge politique moderne ? |